Des interrupteurs placés en hauteur, des luminaires aux plafonds, des fêtes embellies par des décorations lumineuses auxquelles il est interdit de toucher, il semblerait que le quotidien ne place pas la lumière comme sujet d’exploration pour les enfants. Pourtant la lumière attire et détient en elle un trésor de découvertes. Comment alors amener l’enfant à la rencontre de la lumière ? Comment le ludique peut-il servir des apprentissages fortuits sur les mécanismes physiques de la lumière ?
La lumière a quelque chose en elle qui attire.
Nous observons facilement le nourrisson passer du temps à fixer les sources lumineuses, le jeune enfant porter un intérêt pour les éléments qui s’allument/s’éteignent et les effets créés par la lumière (la projection de son ombre sur le sol par exemple), ou encore l’adulte se ravir de profiter d’ambiances lumineuses chaleureuses ou des jeux de lumières que la nature dessine sur le paysage (coucher de soleil, lumières orageuses, etc).
Il semble donc que nous soyons, à chaque âge de la vie, inexorablement, sensibles à la lumière. Peut-être parce qu’inconsciemment nous savons que physiologiquement nous avons besoin d’elle (le soleil, notre principale source de lumière, apporte chaleur, eau et nourriture et donc la vie sur Terre) ? Sûrement aussi est-ce par son naturel potentiel que nous ne restons jamais indifférents à elle ? La lumière a la capacité de changer des ambiances les rendant chaleureuses, froides, colorées ou encore épurées. C’est ainsi qu’elle génère en nous des façons différentes de nous sentir, la lumière est créatrice d’émotions.
La lumière a également la faculté de créer des effets (des ombres, des arcs-en-ciel, des effets artistiques). Voilà alors notre regard arrêté, fasciné, concentré.
De cette observation de départ – la naturelle attirance pour la lumière – se pose le postulat que l’enfant sera infailliblement intéressé par ce sujet. Le fort potentiel de la lumière complète la garantie de la pertinence d’un tel thème dans le sens où les propositions d’explorations pourront être multiples et donc que chaque enfant pourra trouver son propre intérêt.
Pour valider cette pertinence pédagogique, l’idée est de placer l’enfant acteur de ses découvertes.
La lumière, domaine par habitude éloigné de la manipulation des enfants doit donc être réfléchie de sorte à devenir saisissable. Le jeune enfant apprenant par ses sens, et comprenant son monde par l’action, doit pouvoir toucher, manipuler, sentir, éprouver son sujet d’exploration. L’adulte accompagnant va endosser un rôle de chercheur pour trouver comment rendre accessible la découverte de la lumière. Il prendra le temps d’observer comment l’enfant expérimente et adaptera au fur et à mesure ses propositions ludiques. Plusieurs éléments permettent d’amener à portée de main d’enfant l’expérimentation de la lumière. Choisir du matériel adapté, comme des lampes ergonomiques, représente une première solution. Orienter les ateliers de sorte à ce qu’ils soient expérimenter par le biais des sens permet également d’être en adéquation au besoin de l’enfant (ex : avec les glaçons fluorescents l’enfant touche le froid, observe la luminosité et goûte).
Il est aussi intéressant de miser sur une attitude de confiance : l’enfant n’est pas toujours trop petit pour manipuler du matériel. Croire en ses facultés de manipulation autonome et en sa précaution d’explorateur élargit le panel de matériel que nous pouvons lui proposer. Enfin, l’expérience sera d’autant plus saisissable si elle s’intègre dans le quotidien de l’enfant. Expérimenter un sujet signifie l’éprouver par des expériences diverses, répétées et renouvelées. Ainsi pour que le sujet des lumières puisse être réellement saisi par l’enfant, le matériel et les ateliers d’expérimentation doivent trouver leur place dans le quotidien. L’enfant apprivoise à son rythme la lumière et côtoie progressivement la maîtrise des concepts et mécanismes physiques associés (les ombres, la brillance, la transparence, etc).
Le contexte d’exploration posé, l’enfant est mis sur la voie de multiples découvertes.
Par la mise à disposition d’objets lumineux (balles lumineuses, veilleuses, lampes de poche), l’enfant s’exerce au mécanisme allumer/éteindre, première grande source de fierté dû au fait de provoquer un effet sur l’objet. On le voit ensuite observer le halo ou le faisceau lumineux créé par sa lampe ; petit à petit il travaille l’orientation directionnelle du trajet lumineux.
Via des ateliers proposés par l’adulte l’enfant va entrer au contact de toutes les potentialités de la lumière.
Ses manipulations sur vitre ou sur table lumineuse, l’amène à découvrir qu’en traversant un support la lumière peut révéler une image (ex : diapositives). Il aborde ici le concept de la transparence.
Le rétroprojecteur est un support d’expérimentation où l’enfant peut faire le lien entre l’objet qu’il pose sur la surface lumineuse et l’image de celui-ci qui se retrouve projetée au mur. C’est ici l’occasion d’interagir avec le mécanisme de projection.
L’enfant sensibilisé à la notion de trajets lumineux (naturels, par le soleil, ou artificiels, par les lampes), expérimente à maintes reprises l’intercalation de son propre corps ou d’un objet entre la source lumineuse et la surface réceptive (mur ou sol). Il travaille le phénomène de l’ombre.
Reste encore la découverte du pouvoir phosphorescent de certains objets. Grâce à du matériel spécifique, l’enfant joue avec le caractère infini de la phosphorescence. Sur une plaque phosphorescente, il peut par exemple faire des dessins effaçables avec une lampe en guise de crayon.
Et pour finir la notion de fluorescence représente une nouvelle dimension de la lumière que l’enfant aborde en utilisant des matériaux fluorescents (comme de la peinture) dans une ambiance éclairée à la lumière ultra-violette.
Dans l’accompagnement à la découverte il est pertinent de limiter les sources de nouveautés. L’enfant peut donc être initié aux différentes formes de la lumière à partir d’ateliers déjà connus.
Ex : transvasement de riz fluorescent. Les manipulations consistant à transvaser sont maîtrisées, l’enfant peut alors juste s’intéresser au fait que cette fois-ci le riz a une couleur particulière qui réagit à telle lumière.
Autre exemple : construction sur table lumineuse. La superposition des blocs est déjà connue. Ici, sous l’effet de la lumière, les contours sont plus nets, les trous, les vides se révèlent, les épaisseurs se ressentent.
Ainsi l’attention se porte sur des détails qui d’habitude peuvent échapper à l’enfant.
Le sujet des lumières ainsi rendu accessible, met le ludique au service des apprentissages fortuits.
Proposé de cette manière, cette exploration laisse voir le cheminement de l’enfant explorateur-chercheur qui, dans un premier temps, découvre, puis comprend petit à petit les mécanismes de la lumière et ses effets, pour enfin parvenir à une maîtrise de ses actions.
L’intégration des concepts transparait clairement dans la verbalisation de l’enfant qui progressivement utilise naturellement les termes associés à la lumière – « Regarde tu vois c’est mon ombre » – et dans ses interactions avec les autres.
A travers ce thème d’exploration, l’enfant passe d’une sensibilité naturelle à la lumière à des sensibilités acquises et maîtrisées.
Comme l’adulte, l’enfant cerne maintenant les ambiances lumineuses et se dirige consciemment vers des atmosphères où il se sent bien. Ainsi des enfants profitent de petits espaces à la lumière tamisée alors que d’autres préfèrent des endroits plus clairs à la lumière plus vive.
Sa sensibilité acquise se révèle également dans sa manière d’aborder un matériel ou un atelier lumineux. L’effet artistique de la lumière (par la sublimation des couleurs par exemple) relègue la précipitation de découverte au second plan ; l’enfant semble d’abord profiter par les yeux de ce qui s’offre à lui avant de rentrer dans la manipulation et l’expérimentation.
Au final, enfant et adulte se retrouvent à partager sérieux et enchantement.
Travailler la lumière est un exemple d’exploration où enfant et adulte se retrouvent tous deux chercheurs (l’enfant explorateur/chercheur et l’adulte chercheur/observateur) avec la même envie d’aboutir.
Le projet mis à hauteur d’enfants, ceux-ci ressentent la valeur de la proposition de découverte qui leur est offerte et abordent leurs explorations avec beaucoup de sérieux. L’effet de la lumière aide à la concentration puisqu’elle focalise le regard et atténue les stimuli environnants.
Les enfants ont une réelle appétence à comprendre et les adultes ont vraiment le désir que les enfants découvrent. Animés par ces envies, ils mettent leur travail au service de la rencontre entre adultes et enfants.
La sensibilité aux effets de la lumière perdurant à travers les années, les adultes profitent de concert avec les enfants de l’enchantement à vivre toutes ces explorations lumineuses.
La représentation, que se font les adultes des explorations des enfants, prend ainsi de la valeur.
Voyant les enfants expérimenter avec tant de sérieux, l’adulte est en quelque sorte obligé d’accorder de la valeur au travail entrepris. De plus, la démonstration faite par les enfants (par la verbalisation ou la reproduction) de leur capacité à intégrer des connaissances invite l’adulte à estimer les potentialités de l’enfant.
Enfin, la particularité de ce projet qui offre un enchantement unanime tend à effacer la scission séparation enfant/adulte où seul l’enfant profite d’une activité qui lui est proposé. Ici chaque protagoniste a de quoi se nourrir du moment vécu, de sa rencontre avec l’autre.Partir à la découverte des lumières c’est aller à la rencontre du scientifique par un chemin ludique, parfois même magique, poétique et féérique !